Session 15 - 02/05/2018

Alors que les docks de Limehouse étaient toujours plongés dans l'obscurité de la nuit, Jake Mackalister se faufila sur la passerelle qui conduisait à bord du Vent d'Ivoire. Il atteignit le pont du cargo, les sens en éveil, et vu que la voie lui semblait libre, il fit signe aux trois autres de le rejoindre. Une fois à bord, la vue perçante de Moïra lui permit néanmoins d'en distinguer davantage : contrairement à ce que Jake avait pu penser, ils n'étaient pas seuls. Trois hommes étaient déjà à bord, même s'ils était assez éloignés : une silhouette fumait une cigarette du haut de la cabine du capitaine, et deux autres circulaient à l'avant du bateau. Fort heureusement, navire était chargé de vieux conteneurs rouillés et de caisses, qui semblaient permettre de se déplacer assez facilement à couvert. Les investigateurs se dirigèrent donc le plus silencieusement possible vers un escalier situé au milieu du bateau, pour commencer à descendre vers les cales. Ils supposaient que les marins cacheraient une cargaison suspecte à un étage inférieur plutôt que de la laisser visible aux yeux de tous sur le pont. Ils n'eurent pas à chercher longtemps. Arrivés en bas de l'escalier, ils constatèrent avec soulagement que les quartiers de l'équipage, situés sur la droite, étaient si sales et poussiéreux qu'il était clair qu'ils ne servaient plus depuis un moment. Tant mieux, cela minimisait les chances de faire une rencontre malencontreuse. En jetant un coup d'oeil sur la gauche, ils remarquèrent immédiatement un espace de stockage, dans lequel ils reconnurent rapidement le modèle de caisse utilisé par la Fondation Penhew. Ils furent frappés par une section de la pièce au niveau de laquelle on avait suspendu un écriteau sur lequel était griffonné "Livraison spéciale".D'après les inscriptions sur les caisses, celle-ci était destinée à "Ho Fung Import" à Shanghaï, un nom qu'Edward Finch avait déjà croisé dans le bureau secret de Gavigan. Ils entreprirent de soulever une latte d'une des premières caisses situées là. Au bout de quelques minutes d'efforts à l'aide de couteaux et des griffes dérobées au prêtre chez Ju-ju, le morceau de bois se déscella, laissant apparaitre le contenu. Fourrés au milieu d'une sorte de paille étaient entreposée une collection de soupapes ouvragés, tableaux électriques, entretoises et autres pièces mécaniques. En les inspectant, Edward se remémora vaguement une lecture qu'il avait faite : il était un peu près certain qu'il pouvait s'agir de composants d'un moteur à réaction expérimental. De plus, l'alliage, probablement de titane, suggérait une technologie très avancée. Les investigateurs décidèrent d'ouvrir une deuxième caisse pour voir si son contenu était similaire à celui de la première. Ils y trouvèrent des lampes radio. Même s'ils ignoraient à quoi cela allait servir, il paraissait surprenant que ce matériel sophistiqué soit transporté à bord d'un cargo vieillisant comme le Vent d'Ivoire : ils venaient de mettre à jour un nouveau volet du traffic louche de la Fondation Penhew, autrement suspect que ce qu'ils avaient vu jusqu'à maintenant. Par acquis de conscience, ils ouvrirent encore une caisse située hors de la zone de livraison spéciale, mais n'y trouvèrent qu'une fresque représentant une bataille antique, dont Moïra put attester le caractère classique : rien ne suggérait quelque chose d'occulte. Ce qui était autrement intéressant, c'estque Fanta remarqua que cette caisse était destinée à Adja Sing Export au Kenya, un autre nom qu'ils connaissaient bien. D'autres caisses étaient également addressées à Randolph Shipping  Port Darwin en Australie. N'osant pas abuser de la chance qu'ils avaient eu jusque là, le groupe décida de remonter sur le pont et de quitter le Vent d'Ivoire, avec l'impression de ne pas avoir été vus et d'avoir fait des découvertes intéressantes. Manifestement, la Fondation Penhew semblaient apartenir à un club relativement restreint de partenaires commerciaux, puisque les mêmes noms revenaient sans cesse... 

Décidés à profiter au maximum de la couverture que leur offrait les ténêbres de la nuit, Moïra, Fanta, Jake et Edward décidèrent de retourner vers l'entrepot Punji Chabout. Même si le batiment possédait plusieurs portes réparties sur les quatre façades, six personnes patrouillant séparément tout autour. Mais les investigateurs étaient déterminés à y pénétrer, car ils estimaient que cet endroit bien gardé devait renfermer des pièces à conviction concernant la Fondation Penhew. Ils élaborèrent donc un plan. La première étape était de créer une diversion de façon à ce qu'un maximum de gardes abandonnent leur poste. Pour ce faire, Jake et Fanta iraient saboter une voiture garée à proximité de l'entrepot voisin, ils perceraient le réservoir d'essence et mettraient le feu. Pendant ce temps Moïra tenterait d'utiliser le sort pour changer la nature de l'air afin de faire apparaitre un brouillard autour du hangar, ce qui réduirait considérablement la vision des gardes restants. Moïra et Edward resteraient alors à l'extérieur à couvert pour surveiller pendant que Jake et Fanta, qui les auraient rejoint, mettraient à profit leur discrétion pour se faufiler à l'intérieur de l'entrepot Punji Chabout. C'était risqué, mais jouable. Ils décidèrent de tenter leur chance...

La première partie se déroula comme prévu. Le véhicule en flammes ne tarda pas à exploser bruyamment, propageant davantage l'incendie. Instantanément, les six gardes se regroupèrent. Ils semblaient écouter les ordres de l'un d'entre eux. Trois se dirigèrent vers l'entrepot voisin menacé, et trois restèrent sur place. Alors, qu'ils s'agitaient, Moïra se concentra autant que possible pour réussir à lancer le sort, mais en vain. Ne se décourageant pas, elle fouilla dans son sac jusqu'à mettre la main sur le diadème trouvé à la boutique Ju-ju, et le place sur sa tête. Un artefact magique allait probablement pouvoir l'aider. Elle se concentra à nouveau, mais le stress de la situation ajoutait de la difficulté à un excercice auquel elle n'était pas encore pleinement habitué. A force de se concentrer sur la manipulation de l'énergie qui émergeait à l'intérieur d'elle, elle n'était plus très sûre des paroles de l'invocation qu'elle avait prononcées... qu'est-ce que c'était déjà...? Edward sentit alors une légère brise se lever. Le vent s'intensifia rapidement, mais sans qu'aucun brouillard n'apparaisse.... Soudain, des voix s'élevèrent de nulle part, formant un choeur mystérieux qui faisait résonner un chant mystique et caverneux. Moïra et Edward se regardèrent, les yeux écarquillés : manifestement ce n'était pas de la brume que Moïra avait invoqué... En entendant cette mélopée d'outre-tombe, les gardes de l'entrepot poussèrent des cris de terreur et s'enfuirent. Le groupe d'investigateurs marqua un temps d'hésitation, puis finalement Jake et Fanta se précipitèrent vers la porte du hangar la plus proche : la voie était libre, ils ne pouvaient pas laisser passer cette opportunité.

Au moment où ils entraient, Fanta se retourna vers Jake, qu'elle venait d'entendre pousser un cri. Elle s'aperçut que celui-ci, s'il la suivait, n'avait pas l'air dans son état normal. De fait, Jake se sentait sous le coup d'une pression démentielle entouré de ces chants surnaturels de plus en plus forts et de cette atmosphère pesante qui se créait autour d'eux. Il se sentait encore maître de lui même, mais les nerfs complètement à vif. Lui et Fanta progréssèrent néanmoins à l'intérieur de la grande salle de stockage, dans laquelle ils aperçurent toute sorte de marchandises passablement légales : des armes, des drogues, de l'alcool probablement de contrebande, etc. Sans s'attarder là dessus, ils foncèrent vers une porte au fond, sur laquelle était placardé un écriteau indiquant qu'il s'agissait du bureau du gérant, Punji Chabout. En entrant, ils trouvèrent ce dernier recroquevillé dans un coin de la pièce, les mains sur les oreilles et pétrifié de terreur. Fanta tenta de l'interroger, mais sans succès. L'homme ne réagissait pas, il semblait trop paralysé par la peur. De son côté, Jake, qui était resté sur le seuil de la porte, sentit une rage incontrolable monter en lui et sans que son esprit puisse réagir, il vit son bras se lever et pointer son revolver vers le propriétaire de l'entrepot. Mais Jake lutta de toutes ses forces pour resister, conscient du fait que l'homme avait plus de valeur vivant que mort. l'ayant vu agir, Fanta se rapprocha vers lui et le prit dans ses bras en lui adressant des paroles rassurantes. Apaisée par le contact de son amie, Mackalister réussit à retrouver la maitrise complète de son esprit et ses gestes, et rabaissa son arme. Unissant leurs forces, Fanta et Jake tentèrent alors de tirer le gérant hors de la pièce. Mais celui-ci résistait, décidé à se terrer dans un coin de la pièce. Or, la mélodie sinistre se faisait de plus en plus forte, le vent soufflait rageusement, la fumée s'intensifiait, preuve du fait qu'une partie du batiment où ils se trouvaient avait peut-être commencer à prendre feu, et ils leur semblaient vaguement entendre la voix d'Edward au loin qui les appelait. Fanta abandonna alors Punji Chabout à son sort pour fouiller son bureau. Rapidement, elle reconnut un document dont le format lui évoqua quelque chose de déjà vu... il s'agissait d'un registre des mouvements de marchandises, comme celui qu'il avait obtenu chez Emerson à New York. Elle s'en saisit et fit signe à Jake qu'il était temps de ressortir. Ils retraversèrent au pas de course l'entrepot, au milieu duquel un étrange halo de lumière s'était formé. A l'extérieur, ils retrouvèrent Moïra et Edward qui montaient la garde et leur firent signe de se hâter, car des camions de pompiers venaient d'arriver au niveau de l'entrepot voisin. Les quatre amis coururent à perdre haleine à travers les hangars pour s'éloigner de l'entrepôt Punji Chabout et de la chose inconnue qu'ils y avaient potentiellement invoquée... 

Une fois tranquille, ils purent examiner sereinement le registre trouvé par Fanta. Celui-ci referencait les transactions de 1924 et 1925. Ils y trouvèrent la confirmation de ce qu'ils présentaient : on retrouvait presque toujours les mêmes noms qui se répétaient : Ho Fung à Shanghai, Randolph Shopping en Australie, Adja Sing au Kenya... Les objets référencés étaient majoritairement des pièces archéologiques, souvent clairement occultes. Certaines avaient un lien avec des noms déjà croisés : Eibon, G'harne, la Langue Sanglante, etc. Leur provenance directe n'était généralement pas en phase avec leur origine, ce qui suggérait que les objets voyageaient à plusieurs endroits dans le monde. En résumé, la Fondation Penhew semblait appartenir à un cercle qui s'échangeait des artefacts tous plus ou moins liés à des pratiques obscures. S'agissait-il d'autres antennes du culte de Nyarlathotep ? Où juste d'intermédiaires ? Quoiqu'il en soit ce registre allait probablement s'avérer précieux.